Le paysage culturel brésilien, vibrant et multiforme, est constamment façonné par des forces sociales, économiques et politiques. Parmi les événements marquants qui ont remodelé ce paysage figure la controverse entourant la “Kinoplexification” de Rio en 2017, un phénomène complexe aux ramifications profondes sur l’industrie cinématographique brésilienne.
Pour comprendre cette controverse, il faut d’abord définir le terme “Kinoplexification”. Ce néologisme, forgé par les spécialistes du cinéma brésilien, désigne la prolifération spectaculaire de complexes cinématographiques modernes et luxueux à Rio de Janeiro. Ces méga-structures, souvent affiliées à des groupes internationaux, offraient une expérience cinématographique totalement nouvelle: sièges inclinables en cuir, écrans géants de haute résolution, système sonoreDolby Atmos immersif et un éventail impressionnant de concessions, allant du popcorn au sushi.
L’arrivée de ces “kinoplexes” a été saluée par certains comme une avancée significative pour le cinéma brésilien. Ils promettaient une meilleure qualité visuelle et sonore, une plus grande variété de films à l’affiche, et une expérience globale plus confortable et agréable.
Cependant, derrière ce vernis de modernité se cachaient des tensions profondes. La “Kinoplexification” a rapidement été dénoncée par de nombreux cinéastes brésiliens indépendants et critiques du cinéma comme une forme de domination culturelle imposée par les grandes entreprises internationales.
Voici quelques-unes des conséquences majeures de la controverse :
- Disparition des salles indépendantes:
Face à la concurrence implacable des “kinoplexes”, de nombreuses salles de cinéma indépendantes, souvent symboles du patrimoine cinématographique brésilien, ont été contraintes de fermer leurs portes. Ces petites salles, qui étaient le lieu de diffusion de films d’auteur, de documentaires et de productions locales moins commerciales, ont disparu progressivement du paysage cinématographique cariocas.
- Standardisation culturelle:
La domination des “kinoplexes” a également entraîné une certaine standardisation culturelle. Les grandes chaînes internationales privilégiaient souvent les blockbusters hollywoodiens et les films à gros budget, laissant peu de place pour la diversité cinématographique brésilienne.
- Augmentation du coût de l’accès au cinéma:
Les “kinoplexes”, avec leurs installations luxueuses et leur gamme de services étendue, étaient généralement plus chers que les salles indépendantes. Ce phénomène a contribué à créer une inégalité d’accès au cinéma entre les classes sociales.
Le rôle controversé de Kleber Mendonça Filho
Kleber Mendonça Filho, un cinéaste brésilien reconnu pour ses films engagés et son regard critique sur la société brésilienne, s’est imposé comme l’une des voix les plus fortes contre la “Kinoplexification”.
Dans plusieurs articles de presse et interviews, Mendonça Filho a dénoncé ce phénomène comme une menace pour la diversité cinématographique et l’identité culturelle du Brésil. Il a également critiqué le manque de soutien public aux salles indépendantes et à la production cinématographique locale.
Sa prise de position courageuse a déclenché un débat passionné au sein de la communauté cinématophile brésilienne, divisant les opinions entre ceux qui voyaient dans la “Kinoplexification” une opportunité de modernisation du cinéma brésilien et ceux qui dénonçaient sa nature homogenisante.
Vers une alternative ?
La controverse suscitée par la “Kinoplexification” a mis en lumière la fragilité des structures de soutien au cinéma indépendant au Brésil. En réaction à cette situation, plusieurs initiatives ont vu le jour pour proposer des alternatives à la domination des grandes chaînes internationales.
Par exemple, le réseau “Mostra Kino”, créé en 2018, propose une plateforme de distribution en ligne et des projections itinérantes dans des lieux insolites afin de donner plus de visibilité aux films d’auteur brésiliens.
Il reste encore beaucoup à faire pour garantir un avenir viable au cinéma indépendant brésilien face à la concurrence des “kinoplexes”. Néanmoins, la controverse autour de ce phénomène a contribué à sensibiliser l’opinion publique aux enjeux cruciaux de la diversité culturelle et de l’accès à l’art cinématographique pour tous.